La Reine aux pieds nus, par Ildefonso Falcones, traduit par Marie Vila Casas, Editions Robert Laffont, octobre 2014, 704 pages.

Avocat barcelonais, fin connaisseur de l'Espagne médiévale, l'auteur a obtenu un succès mondial avec son premier roman La Cathédrale de la Mer (2008), une éblouissante fresque historique applaudie par la critique. Des lecteurs scotchés aux aventures du jeune paysan Arnau et à la construction de l'église gothique de Santa Maria del Mar dans Barcelone au Moyen-Age. Et la révélation d'un talent de conteur bientôt confirmé avec les Révoltés de Cordoue (2012).

Cette fois, Ildefonso Falcones nous entraîne en terre sévillane, dans l'Espagne absolutiste du XVIIIe siècle, où deux femmes d'exception (l'envoûtante esclave cubaine Caridad et la belle Milagros) se battent pour la vie et l'indépendance.

Amitié, courage, vengeance et passion explosent dans ce nouveau roman foisonnant de personnages et de situations, remarquable  de précision historique, d'humanité et de force.

Du soleil dans la grisaille de l'hiver. 


Secrets d'Etat - Les grands dossiers du Ministère de l'Intérieur (1870-1945), par Bruno Fuligni, Paris, Editions L'Iconoclaste, octobre 2014, 320 pages.

Ils sont de retour. Après le grand succès des "Secrets de Police - dans les archives de la préfecture de police", paru en 2008, Bruno Fuligni (maître de conférences à Science Po et auteur de nombreux essais historiques) est à nouveau associé à L'Iconoclaste pour proposer au lecteur un magnifique et passionnant ouvrage puisant ses sources dans le fameux "fonds Panthéon" des Archives nationales (AN F7 15924 à 16028/2), un fonds versé en 1981 et qui regroupe des milliers de documents relatifs à la surveillance par la Sûreté Générale (puis Sûreté Nationale) de personnalités telles que Gambetta, Zola, Clemenceau ou encore Jaurès, ainsi que des notes se rapportant à de retentissantes affaires judiciaires (Landru, Stavisky,...).

Illustré avec talent par de multiples photographies et des reproductions de pièces d'archives souvent inédites, le livre nous fait entrer dans les coulisses de l'histoire, jusqu'aux tréfonds d'une ténébreuse arrière-cour où se concoctent complots,  compromissions et coups tordus sous l'oeil (et parfois avec la complicité) de la police politique. Du scandale de Panama au duel opposant Jaurès à Déroulède fin 1904, de la surveillance d'un jeune anarchiste nommé Mussolini à l'arrestation de Léon Blum et aux mandats d'arrêt lancés contre le "colonel en retraite" De Gaulle sous Vichy, on dévore le texte sobre, solide et vif qui se marie parfaitement avec l'iconographie choisie.

A ne pas manquer.

 


Fouché : Les silences de la pieuvre, par Emmanuel de Waresquiel, Editeur Tallandier, septembre 2014, 832 pages.

[présentation de l'éditeur] "Fouché, bien sûr, ne m'était pas un inconnu. Fouché de Nantes, le bourgeois impécunieux, le petit professeur en soutane des collèges de l'Oratoire, Fouché le conventionnel, le tueur de roi, le proconsul de Nevers et de Moulins, le mitrailleur de Lyon, le tombeur de Robespierre et le cauchemar de Napoléon, le ministre de tous les régimes, l'inventeur de la police moderne, le bâtisseur d'Etat, le théoricien et l'homme d'action, l'aventurier, le conspirateur et le parvenu. Assurément, l'un des hommes les plus puissants de son époque, en tous cas l'un des plus étonnants. Rares sont ceux qui inventèrent de nouvelles règles du jeu sans attendre la fin de la partie. Fouché a été de ceux-là."

Emmanuel de Waresquiel (ancien élève de l'Ecole normale supérieure, docteur en histoire et chercheur à l'Ecole pratique des hautes études) fouille jusque dans ses moindres recoins la vie d'un homme aussi dissimulé que contradictoire. A l'aide de larges fonds d'archives dont beaucoup inédits, il dessine le portrait brillant d'un incroyable personnage jusqu'ici incompris et desservi par sa légende noire. 




L'ancien patron du 36 quai des Orfèvres raconte LA BRIGADE MONDAINE, par Claude Cancès, Paris, Editions Pygmalion, collection Histoire secrète, 280 pages, 2014. 

En 1963, un jeune inspecteur de la PJ parisienne (que ses collègues surnomment le "môme") entre au quai des Orfèvres pour rejoindre la tristement réputée Brigade Mondaine. Il y restera plus de six ans à traquer le proxénète et à découvrir aussi le travail au quotidien de ces autres groupes de la brigade qui s'occupent des affaires d'adultère, des cabarets, de la chasse aux homosexuels ou encore de la répression de la pornographie et de la surveillance des partouzes.

Claude Cancès, futur chef de l'antigang, futur directeur du 36, est ce jeune inspecteur plongé d'un coup dans les coulisses d'une société où sexe, argent et pouvoir ne cessent de s'entremêler. de créer un cocktail qui enivre plus d'un policier pour le conduire vers l'arrière-cour des "ripoux". Dans cet ouvrage où l'on croise la sulfureuse "Katia-la-Rouquine", où l'on suit pas à pas les méandres de l'affaire Markovic, où l'on vit de l'intérieur les répercussions de l'affaire Ben Barka à la préfecture de police, il nous livre un témoignage authentique de ces années au voisinage de mai 68 où les moeurs ont déjà changé mais pas encore les lois et les méthodes de police. Ses nombreuses anecdotes (parfois glauques, souvent drôles, toujours éclairantes) font mouche.

La Mondaine de Claude Cancès, c'est du Feydeau où la pègre se cache dans l'escalier de service et où le boudoir a des allures de salle sado-maso.      

                                                                  






Don Salvatore, par Mario Capraro, Acatl Editions, octobre 2014, 274 pages.

Tout commence avec une jeune femme, Anna Morelli, sauvagement assassinée à Zurich. L'enquête piétine  jusqu'à ce que la mère de la victime fasse appel à Don Salvatore, le deus ex machina de ce diabolique polar.


Agé de 80 ans, ancienne grande figure de la Mafia maintenant "retraité" dans les Pouilles, au sud de l'Italie, Don Salvatore met son nez dans l'affaire, avec son expérience, ses alliés et ses méthodes... Il s'intéresse de près à cette étude sur laquelle travaillait Anna avant sa mort, un dossier fourni sur les 147 multinationales qui détiendraient à elles seules plus de la moitié de l'économie mondiale. On dit que l'argent n'a pas d'odeur. Ici il pue le soufre infernal, autant dire que cela n'est pas pour (trop) déranger les narines de Don Salvatore.


Passionné d'histoire (et inconditionnel d'Alexandre Dumas...), ancien chef d'entreprise reconverti dans l'écriture de très sérieux livres d'économie puis de solides romans policiers, Mario Capraro offre ici au lecteur un électrisant voyage dans les sales souterrains de la finance internationale. Casque obligatoire!  Et régal assuré.  








Napoléon perd l'Europe, par Gérard Bouan, Editeur Economica, novembre 2014.

Le 1er janvier 1814, les coalisés franchissent le Rhin, la campagne de France débute pour se solder par l'abdication de Napoléon Ier le 6 avril, ses adieux à Fontainebleau et l'entrée triomphante des troupes ennemies dans Paris.

Après une carrière d'officier au sein de la DGSE, Gérard Bouan a publié en 2011 un ouvrage sur l'épopée napoléonienne et la première campagne d'Italie (1796-1797). Cette fois, c'est sur la campagne de France de 1814 qu'il jette son dévolu. Pour notre plus grand plaisir.

A ses côtés, on suit l'Empereur déployant durant trois mois une activité incroyable pour ne pas perdre ce qui est déjà perdu. Ses talents hors pair de stragtège et de tacticien, ses succès isolés, son appel au patriotisme d'un peuple fatigué, d'un pays épuisé, rien n'y fera. Le 29 avril 1814, vers 11 heures du matin, la frégate anglaise Undaunted quitte le port de Fréjus, emportant à son bord le géant déchu vers l'île d'Elbe, un minuscule ilôt de la Méditerranée.

Tout au long des 288 pages de cet ouvrage, Gérard Bouan réussit ce tour de force d'entretenir le suspense, de tenir son lecteur en haleine sur une histoire dont il connaît déjà la fin. Une histoire que l'auteur relate et analyse avec talent. A quand la suite et les Cent Jours?