GAVOURY (Roger, Alfred, André)

Contrôleur général de la sûreté nationale

Né  le 7 avril 1911 à Mello (Oise), assassiné dans l’exercice de ses fonctions de commissaire central d’Alger le 31 mai 1961.

Fils d’un chef de groupe des services centraux de la Compagnie des chemins de fer du Nord. Scolarité à Senlis. Etudes à l’École supérieure de philosophie de Beauvais, puis deux années de licence en droit à Lille.

À partir de 1931-1932, il exerce des activités administratives et commerciales dans des établissements bancaires et entreprises de Creil, Paris et Reims avant de faire acte de candidature, en avril 1936, au concours pour les emplois de commissaire de police stagiaire dans les départements.

Commencé en octobre 1933 au 67erégiment d’infanterie, son service militaire prend fin en février 1934, à la suite de blessures contractées dans la catastrophe ferroviaire de Lagny-Pomponne le 23 décembre 1933 (l’accident cause plus de deux cents morts).

Première affectation de commissaire de police le 21 novembre 1936 à Hazebrouck (Nord) : dans cette commune éprouvée par les bombardements aériens, il se signale par son dévouement et son sens de l’initiative en mai-juin 1940.

Nommé successivement à Sarcelles (mars 1942 - décembre 1943), Sotteville-lès-Rouen (décembre 1943 - septembre 1944), Rouen-Saint Sever (septembre 1944 - octobre 1949), Béthune (octobre 1949 - mai 1950), Mézières-Charleville (mai 1950 - mai 1954) et La Rochelle (mai 1954 - mai 1955). Sa prise de poste d’adjoint au directeur du Centre national d’instruction et d’application de la sûreté nationale de Sens le 11 mai 1955 l’éloigne momentanément de la sécurité publique. 

En mission temporaire au Maroc à compter du 9 août 1955, il est confirmé dans ses fonctions d’adjoint au chef de la sûreté régionale de Casablanca le 11 février 1956 par voie de détachement au titre de l’assistance technique. Il se voit confier la responsabilité du service central de la sécurité publique à Rabat en février 1957 et élabore la doctrine relative à l’organisation de la sûreté nationale marocaine.

Remis, à sa demande, à la disposition de son administration d’origine le 16 février 1959, il assure la direction des Centres d’assignation à résidence surveillée de Thol-Neuville sur Ain (avril à août 1959) et du Larzac (août 1959 - février 1960). 

Commissaire principal depuis 1948, il est promu commissaire divisionnaire au lendemain de son installation, le 29 février 1960, dans les fonctions de commissaire central adjoint à Alger. 

Il est admis au bénéfice de la croix de la Valeur militaire avec étoile d’argent le 21 avril 1961. La citation à l’ordre de la division, comportant l’attribution de cette distinction, souligne sa participation "très importante à la lutte contre la rébellion". Elle rappelle qu’il a "payé courageusement de sa personne, au cours des évènements de décembre 1960, en se portant constamment aux endroits où la violence des manifestations prenait la forme la plus dangereuse, afin de limiter les heurts entre les communautés". Elle se conclut en ces termes : "A suscité, en ces circonstances, l’admiration de son personnel, qu’il a galvanisé par son exemple." 

Prenant ses fonctions de commissaire central d'Alger le 23 mai 1961, moins de six semaines après le plasticage de son appartement, Roger Gavoury s’adresse à ses collaborateurs en ces termes : "L’horizon commence à blanchir et bientôt, je l’espère, luira sur l’Algérie l’aube de la paix. Je voudrais, de toute mon âme, être le Central de la pacification, la vraie cette fois, celle des esprits. Je rêve d’une Alger où les hommes s’entraiment enfin, sans plus être séparés par des races, des religions ou des mers."

Il est assassiné à coups de poignard de parachutiste le 31 mai 1961 à 23 h 30, à l’intérieur de son studio situé au 4e étage de l’immeuble du 4-6 rue du Docteur Trolard à Alger, où un commando de l’O.A.S. lui a tendu un guet-apens.

Dès le 1er juin, s’inclinant, au nom de la France et du Gouvernement, devant cette victime du devoir, marié et père de trois enfants, le délégué général en Algérie, Jean Morin, déclarera dans un communiqué : "Ce crime odieux montre à quel point de perversion en sont arrivés certains éléments qui se placent au ban de la Nation."  

Le 3 juin 1961, le juge d’instruction d’Alger est saisi d’une note de la police judiciaire ainsi libellée : "Des constatations et des premiers éléments de l’enquête, il ressort que le crime a été commis en raison de l’attitude ferme manifestée par ce fonctionnaire, particulièrement pour maintenir l’ordre à Alger et réprimer les troubles provoqués par les organisations subversives activistes. On peut donc estimer que cet homicide est le fait d’une bande armée en relation avec les insurgés d’avril 1961." Le 4 juin 1961, un tract ronéotypé à en-tête "OAS - Sous Secteur Alger-Ouest" est distribué dans les boites aux lettres d’Alger  précisant que l’Organisation armée secrète avait "jugé" le commissaire divisionnaire Gavoury notamment pour "crime de haute trahison" et "complicité avec le régime" ; il se conclut comme suit : "Un premier avertissement (14 avril dernier - bombe au plastic) n’ayant donné aucun résultat, il a été décidé de procéder à son exécution.".

Tué en service commandé, Roger Gavoury est nommé, à titre exceptionnel, contrôleur général de la sûreté nationale, par arrêté du ministre de l’intérieur du 2 juin 1961. Il est cité à l’ordre de la Nation le 10 juin 1961. La teneur de la citation est la suivante : Le Premier ministre, sur la proposition du ministre d’État chargé des affaires algériennes, cite à l’ordre de la Nation M. Roger Gavoury, commissaire divisionnaire, commissaire central du Grand Alger : "Fonctionnaire d’élite, d’un loyalisme absolu à l’égard des institutions républicaines, a toujours exercé ses délicates et périlleuses fonctions avec une compétence et une autorité dignes des plus grands éloges. Nommé à Alger depuis plus d’un an, s’est distingué par son attitude courageuse et son sens du devoir particulièrement élevé et a tenu à rester à son poste malgré les menaces de mort dont il était l’objet. Lâchement assassiné dans la nuit du 31 mai au 1er juin, a droit à la reconnaissance de la Nation."

Nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume par décret du 4 août 1961. Le mémoire de proposition mentionne : "M. Gavoury, au cours de ses séjours en Afrique du Nord, s’est toujours efforcé de montrer d’exemplaire façon aux populations musulmanes ce qu’elles pouvaient attendre de bénéfique de fonctionnaires français ayant pour but essentiel de faire respecter et aimer leur pays au travers de leur personne." La mention "Mort pour la France" lui est attribuée à titre militaire le 17 novembre 1961, sur avis favorable du ministre des anciens combattants et victimes de guerre.

Dix personnes impliquées dans son assassinat sont déférées au tribunal militaire par décret du Président de la République du 6 février 1962, parmi lesquelles le lieutenant déserteur Roger Degueldre (alors en fuite), le sergent déserteur Albert Dovecar et Claude Piegts : pour ces derniers, le procès se déroulera au Palais de justice de Paris du 26 au 30 mars 1962. Arrêté le 7 avril 1962, Roger Degueldre sera traduit le 28 juin 1962 devant la Cour militaire de justice, au Fort neuf de Vincennes. Les deux premiers seront fusillés le 7 juin 1962, le troisième le 6 juillet 1962.

Le nom de Roger Gavoury figure sur une stèle commémorative dédiée aux commissaires de police tombés en opération, victimes du devoir, en dehors du territoire métropolitain, stèle installée dans l’enceinte de l’École nationale supérieure de la police à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône) et dévoilée le 21 juin 2005 par le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, dans le cadre de la cérémonie de sortie de la 55e promotion des commissaires de police.

Sources et photographies : émanant de son fils Jean-François Gavoury

Ouvrages (où il est cité) et extraits

- VIANSSON-PONTE (Pierre) - Histoire de la République gaullienne – Tome 1 (La fin d’une époque), Paris, Éditions Fayard, 1970 : "Le commissaire Gavoury, chargé de la répression des menées activistes en Algérie, … est littéralement saigné au poignard par les tueurs, jeunes algérois et légionnaires déserteurs. Argoud, écœuré, prendra prétexte de cette opération ponctuelle pour quitter l’Algérie et retourner en France avant de se fixer en Espagne."

- CROS (Vitalis) - Le temps de la violence, Paris, Éditions Presses de la Cité, 1971 : "[…] les assassinats du commandant Poste ou du commissaire Gavoury tinrent une grande place dans la presse et à la radio. Le temps viendra vite où les attentats seront si nombreux qu’on ne pourra même pas en tenir un compte exact."

- BUCHARD (Robert) -  O.A.S. – Organisation armée secrète, Paris,  J’ai lu, 1972 : "Salan était hors de lui : il venait d’apprendre, par la radio, l’assassinat du commissaire central Roger Gavoury. L’ex-commandant en chef ne parvenait pas à savoir si on voulait l’éliminer ou au contraire hâter sa décision. […] Les Algérois étaient convaincus que les militaires en fuite étaient cette fois décidés à agir en employant les grands moyens. Pour faire accréditer cette thèse auprès de la masse des pieds-noirs, Susini avait pris soin d’antidater le tract annonçant que Salan prenait la tête de l’OAS. Il l’avait appelé : « Appel du 28 mai. ». Appel du 1er juin eut été plus conforme à la réalité. "

- PIOCH (Eryc) - Nomade de cœur - Policier de fortune, Éditions Corollys, 2001  : "Dans la nuit du 31 mai, j’étais officier de permanence au commissariat central. Comme nous allions nous séparer, je proposai au commissaire Gavoury de l’accompagner jusqu’à son domicile où il vivait seul. Malgré mon insistance, il refusa catégoriquement, car, dit-il, un policier n’avait pas à se faire protéger. Je savais qu’il avait été condamné par l’OAS, mais je ne croyais pas que ces hommes pervertis mettraient leurs menaces à exécution. Lorsque je pensai que j’avais insisté pour assurer sa protection jusqu’à son domicile, j’imaginais quel aurait été mon sort si je l’avais suivi jusqu’à son appartement."

- LE DOUSSAL (Roger) - Commissaire de police en Algérie, 1952-1962, Éditions Riveneuve, 2011 : "Cet attentat, qui fut souvent rappelé par l’OAS afin de faire pression sur tous les policiers, eut un grand retentissement et il marqua un tournant de la situation sécuritaire en Algérie, car, si 6 commissaires de police avaient déjà été tués par le FLN, c’était la première fois que l’un d’eux était tué par l’OAS, organisation dont, au cours de la cérémonie mortuaire qui se déroula le 3 juin à Alger, le directeur de la sûreté nationale en Algérie dénonça le fanatisme."