Le guet royal garde Paris

 

 

 

Le plus lointain texte connu qui fasse en France état du guet (garde régulière dans une agglomération) remonte à Clotaire II (584-629), l'arrière-petit-fils de Clovis. Daté de 595, il condamne à l'amende les hommes du guet "qui assuraient des intelligences avec les voleurs ou les laissaient échapper".

Le guet et ses hommes en armes (ci-contre un arbalétrier du guet royal au XIIème siècle) est organisé sous Louis VII Le Jeune dont le règne s'étend de 1137 à 1180.

En 1254, le roi Saint-Louis réforme le guet de Paris et crée la fonction de "chevalier du guet" (miles guetti).  Un corps de garde fixe (le "guet assis" ou "guet dormant" dit-on) est constitué par une milice bourgeoise, les gens de métier devant fournir chaque nuit au prévôt les effectifs nécessaires pour cela.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais la surveillance concrète des rues est le fait d'un guet "soldé" formé d'une douzaine de sergents à cheval et d'une vingtaine de sergents à pied.  Ci-contre, archers du guet au XIVème siècle.                                                                         

Le guet bourgeois et le guet soldé composent le guet royal dont la devise est "Il veille afin que les habitants se reposent (Vigilat ut quiescant).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1559, Henri II accroît notablement les effectifs de la compagnie du guet royal. Ils sont multipliés par huit passant à 208 archers à pied et piquiers (gravure ci-contre d'un piquier au XVIème siècle avec l'uniforme aux couleurs de la Ville et le port d'un "bonnet de fer") et 32 maîtres à cheval.

 

Une sorte de "professionnalisation" du guet visant à presque complètement décharger les habitants de Paris de leur participation à la tranquillité et à la paix publiques. En contrepartie, les gens de métier versent cependant une taxe spéciale compensatrice.

 

En 1563, le guet bourgeois est finalement supprimé. Le guet soldé, lui maintenu et renforcé, comporte désormais un effectif de 200 archers à pied et piquiers et de 50 maîtres à cheval auxquels s'ajoutent quatre lieutenants, tous placés sous le commandement du chevalier du guet.

 

En outre, s'installe à Paris un régiment des gardes françaises, une unité d'infanterie assurant à la fois la sécurité des palais royaux, la défense des fortifications et la surveillance des rues.

 

 

 

 

 

 

 

L'édit royal enregistré le 15 mars 1667 crée une lieutenance de police à Paris. La charge est confiée à Nicolas Gabriel de La Reynie.

 

"Notre bonne Ville de Paris étant la Capitale de nos Etats, & le lieu de notre séjour ordinaire... : Nous avons estimé, annonce Louis XIV dans cet édit, que rien n'était plus digne de nos soins que d'y bien régler la Justice & la Police ..."

 

Le guet soldé (ci-contre à gauche un sergent du guet au XVIIème siècle, porteur d'une hallebarde) conserve au début de la lieutenance générale de Paris une certaine autonomie de même que ses privilèges.

 

Sous le commandement du chevalier du guet, la compagnie du guet (dite aussi "de l'Etoile", par référence à la décoration royale que le chevalier détient depuis le XIVème siècle), ses quatre lieutenants, ses huit exempts, ses archers à pied et ses maîtres à cheval assurent le service régulier de nuit.

 

 

 

 

 

 

 

En 1733, après la mort du chevalier du guet en titre, son office est provisoirement supprimé. Il ne va être rétabli qu'en 1765 après fusion du guet dans une nouvelle unité à caractère militaire : la garde de Paris.

 

Le guet disparaîtra définitivement lorsque, à la Révolution, cette garde de Paris est absorbée par la garde nationale (ci-contre, à droite, un chasseur de la garde nationale en 1790).

 

 

 

 

 

La garde municipale

 

 

Après la création par l'article 16 de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) d'un préfet de police à Paris, une garde municipale (ci-contre à gauche, deux soldats de la garde municipale en 1802) se substitue le 14 octobre 1802 à la garde nationale.

Celle-ci est forte en 1812 de 2154 fantassins et 180 cavaliers.

 

 

 

 

 

 

 

 

Répartis par quartier de Paris (quatre quartiers pour chacun des 12 arrondissements), les commissaires de police de la ville de Paris sont, précise la loi du 17 floréal an VIII (7 mai 1800), tenus de porter un uniforme (voir gravure à droite d'un commissaire de police sous l'Empire) ainsi décrit : "Un habit noir  complet à la française avec une ceinture tricolore à franges noires et un chapeau français uni".

 

Les officiers de paix  (ils ont pris ce nom en 1791 après s'être intitulés sous l'Ancien Régime conseillers du roi, inspecteurs de police) ont d'abord eu pour uniforme un "habit bleu à collet et parements écarlates" avec boutons portant l'inscription "Paix".

 

Ils  étaient porteurs dans leur fonction d'un petit bâton blanc sur lequel étaient gravés les mots "Force à la Loi" et dont la pomme s'ornait du dessin d'un oeil ouvert, symbole de la vigilance.

Les officiers de paix touchaient simplement de ce bâton ceux dont ils devaient s'emparer en prononçant la formule "Je vous ordonne, au nom de la loi, de me suivre devant le juge de paix".  

 

 

 

 

 

 

 

Le sergent de ville

 

Une ordonnance du 12 mars 1829 crée à Paris, sous l'administration du préfet de police De Belleyme le corps des sergents de ville patrouillant en uniforme. Trois sergents de ville sont prévus par arrondissement.

En août 1829, ils sont au nombre de 85 (dont 58 recrutés parmi les militaires et les autres parmi les inspecteurs) placés sous l'autorité des officiers de paix.

L'uniforme des sergents de ville d'alors se compose "d'une redingote en drap bleu roi, boutons aux armes de la Ville, pantalon et gilet bleus, chapeau à cornes avec cocarde blanche, une canne noire à pomme blanche aux armes de la Ville et, pour les rondes de nuit, un ceinturon noir avec un sabre" (gravure à droite, sergents de ville en 1829).

Le port de l'uniforme qui est une nouveauté à l'époque a pour raison d'être, écrit un officier de paix : " de signaler incessamment au public la présence des policiers sur les points où ils seront de service, de les forcer en même temps à intervenir et à rétablir l'ordre (...), d'empêcher la fréquentation habituelle des cabarets et la continuation des mauvaises habitudes qui sont celles de l'intempérance et du jeu, de les contraindre à faire leur service avec régularité, et à apporter dans leurs actes, sans cesse contrôlés, du sang-froid et de la modération."

 

 

 

 

 

 

En 1830, après les journées révolutionnaires et l'instauration de la Monarchie de Juillet, le corps des sergents de ville de la préfeture de police de la Seine est rétabli et doté d'un nouvel uniforme (gravure ci-contre : officier de paix - à gauche - et sergent).

 

Il est ansi décrit : "Habit bleu roi fermé sur le devant par neuf gros boutons, collet ouvert, le vaisseau des armes de la Ville de Paris au retroussis et au collet. En hiver redingote croisée, collet droit, même drap et mêmes boutons. Pantalon à drap bleu, épée et ceinturon".

 

Officiers de paix, inspecteurs et sergents de ville relèvent d'un bureau central placé sous la direction d'un commissaire et dénommé "police municipale". Cette police municipale "est la source de toute la surveillance de la cité" (Vivien, Etudes administratives).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le gardien de Paris fait son apparition dans les mois qui suivent la révolution de 1848.

Coiffés d'un singulier chapeau (voir gravure ci-contre à droite) qui n'est pas sans rappeler ceux que porteront les belligérants américains durant la guerre de Sécession, les gardiens font partie de ce corps que se disputent alors le maire de Paris et le préfet de police Caussidière  qui les place sous son autorité avec l'assentiment du ministre de l'Intérieur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous le Second Empire, les sergents de ville sont affectés, pour les uns à une réserve centrale positionnée au siège de la préfecture de police rue de Jérusalem (461 sergents, 12 brigadiers, 12 inspecteurs principaux sous les ordres de 12 officiers de paix - commissaires) et, pour les autres, à chacun des douze arrondissements de la capitale.

 

Chacun de ces sergents d'arrondissement est attaché à un "ilôt de surveillance" (on en compte quelque 422, chacun étant constitué d'un groupe d'une centaine de maisons). Il doit obligatoirement porter un numéro d'identification au collet de sa redingote.

 

Une tenue d'été (pantalon de drap blanc) fait son apparition. Les gants blancs restent de rigueur. Ci-dessus à gauche un "sergot" de 1860, un sergent de ville de la police municipale parisienne en tenue d'été

 

 

 

 

 

 

 

Le gardien de la paix

 

                                 

 

 

 

Dès la chute du Second Empire, le préfet de police Kératry remplace le 7 septembre 1870 l'appellation de "sergent de ville" (évoquant trop le régime antérieur) par celle de "gardien de la paix civile".

Dans les mois  suivants, lors du siège de Paris par l'armée allemande, les gardiens de la paix  sont tous mobilisés, revêtus de l'uniforme militaire et placés aux avant postes (photographie ci-contre).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1871, après ce siège et après l'anéantissement de la Commune de Paris, le gardien de la paix civile est doté d'un curieux uniforme (ci-contre à droite) inspiré par le souci de lui enlever tout caractère militaire et agressif. Il comporte un long caban bleu foncé à capuchon, une casquette en drap dite américaineavec visière en cuir verni.

Cette tenue inspirera au cours des décennies ultérieures l'habillement de plusieurs polices municipales créées dans le prolongement de la loi du 5 avril 1884.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1873, le gardien de la paix (l'épithète "civile" a disparu) est maintenant doté d'un uniforme qui a tout de militaire (photographie à gauche). Le képi a remplacé le chapeau à cornes ; bientôt le revolver et le sabre baïonnette vont remplacer l'épée. L'uniforme porte au collet le numéro de matricule et sur le képi les armes de la Ville de Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le service dit "ostensible" de la police municipale parisienne regroupe aux débuts de la IIIème République 31 officiers de paix, 80 brigadiers, 666 sous-brigadiers et 6000 gardiens de la paix, soit un total de quelque 6800 hommes en uniforme. Le tout commandé par cinq inspecteurs divisionnaires sous l'autorité du chef de la police municipale.

Les changements de la tenue opérés à l'époque du préfet Lépine n'emporte pas l'adhésion des anciens :

"Sous l'uniforme on avait du prestige,/ Ma légitime Adèle, il t'en souvient,/Mais aujourd'hui, l'habit qu'on nous inflige/ Tient du facteur et du collégien" (Souvenirs de police au temps de Félix Faure).

Des quolibets accueillent aussi l'équipement des agents (ci-contre un gardien de la paix vers 1900) d'un bâton blanc (un "bâton-signal", une innovation introduite en juillet 1896 sur une idée venue de Grande-Bretagne) et sur  leur gesticulation avec cet objet pour régler la circulation aux carrefours de Paris, de plus en plus encombrés.

Le bâton blanc de 1896 perpétue celui qui dotait les officiers de paix sous la Révolution (voir plus haut). Il est en peuplier peint avec une dragonne bleue et rouge sur laquelle est mentionné "service des voitures" car c'est dans la brigade des voitures qu'il remplace avantageusement le sabre-baïonnette en dotation.

 

 

 

 

 

C'est aussi à Louis Lépine que l'on doit l'apparition dans les rues de Paris des célèbres "hirondelles" (ci-dessous) ou "sergents à bécane". Pour faire face à l'insécurité qui gagne alors la capitale, le préfet Louis Lépine fait patrouiller à l'essai des agents cyclistes dans le XVIème arrondissement à partir d'avril 1900. Dans les mois qui suivent, l'expérience est étendue aux VIIème, VIIIème, XIIème, XVIIème, XIVème et XVème arrondissement. 

      

Bientôt, tous les arrondissements de Paris (à l'exception du XXème arrondissement compte tenu de ses rues considérées comme trop pentues... ) sont surveillées par des sergents à bécane. Munis d'un uniforme adapté (casquette plate, vareuse, jambière, revolver Saint-Etienne 1892 en bandoulière et sabre-baïonnette fixé au cadre de l'engin), les agents cyclistes (18 gardiens et sous-brigadiers par arrondissement) sont surnommés les "hirondelles" en raison de la marque de leur vélocipède et de la silhouette caractéristique de leur pélerine déployée au vent.

 

 

Sources des illustrations :

- Archives de la préfecture de police

- Encyclopédie nationale de la police, sous la direction d'André Roches, Paris, Compagnie nationale de diffusion du livre, 1955.