Ainsi finissent les salauds - Séquestrations et exécutions clandestines dans Paris libéré, par Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Paris, Robert Laffont, janvier 2012.

Ils ont encore frappé! Déjà à l'origine de deux remarquables livres consacrés à la résistance communiste, à ses dérives comme à sa répression par les terribles brigades spéciales de la préfecture de police, l'historien Jean-Marc Berlière - qu'on ne présente plus - et son complice Franck Liaigre ont continué d'éplucher les archives, continué de chercher, de vérifier, en un mot d'enquêter pour nous offrir ici le troisième volet de leur insatiable quête de vérité sur Paris occupé et Paris libéré. Ils y révèlent un épouvantable et peu connu (on a envie d'ajouter "mais bien étouffé") épisode de la Libération.stré par des photographies et copie de documents originaux, annexes détaillées.

Cette fois, ils nous conduisent jusqu'à l'avenue de Choisy où se dresse un Institut dentaire devenu un "sinistre centre clandestin" où des FTP de la dernière heure séquestrent et exécutent, sans souci du retour à la légalité exigé par les autorités du moment. Entre le 20 août et le 22 septembre 1944, pas moins de trente-huit cadavres sont repêchés dans la Seine, tués par balles, le corps lesté d'un pavé de grès. Tous, hommes ou femmes, collabos ou pas, sont passés par l'Institut avant d'y être tourmentés et assassinés sous couvert d'une épuration qui a bon dos pour masquer règlements de comptes et autres pratiques inavouables.

S'appuyant sur un exceptionnel travail de recherches, Berlière et Liaigre commencent par nous tracer un portrait précis de ces victimes venues d'horizons différents (de Lulu de Montmartre la trop libre et moqueuse au commerçant Ponroy ou au gardien de la paix Demangeau) et nous faire vivre leur calvaire. Après quoi, ils nous détaillent l'enquête (les enquêtes) de police, le travail d'instruction, sa lenteur, les obstacles rencontrés comme ses progrès et ses rebondissements (dont l'identification du "capitaine Bernard", responsable du centre). Et cela jusqu'à la fin de l'histoire : une impasse judiciaire qui ferme les yeux sur les victimes et les bourreaux. Berlière et Liaigre nous les ouvrent et la lumière qu'ils font ainsi entrer n'est guère agréable. Qui a parlé un jour de "l'infini variété de ce que peut produire l'instinct de mort des hommes"? De quoi s'interroger encore et encore sur toutes les périodes et leur(s) traduction(s) historique(s). A lire toutes affaires cessantes.

                                                                                        

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