Printemps 1919. L'armistice a été signé depuis quelques mois seulement et le monde peine à panser ses plaies, encore terriblement douloureuses. Alors que la mort, sous ses formes les plus horribles, hante toujours les champs de bataille et à l'heure où éclate l'affaire Landru, le policier Célestin Louise, revenu au sein des fameuses brigades du Tigre, est chargé d'enquêter sur un crime commis dans les studios "L'Albatros" de Montreuil.

Alexandre Mekinoff, producteur de cinéma, homme aisé et grand amateur de jeunes et jolies comédiennes, a été retrouvé poignardé en plein cœur. Nombreuses et complexes, les pistes qui se font jour se révèlent immédiatement difficiles à explorer.

Orientant d'abord son enquête vers les milieux des Russes blancs, notre mobilard, revenu du front sans aucune illusion sur le genre humain, se penche bientôt sur le passé militaire de la victime, brancardier au 35ème régiment d'infanterie pendant les hostilités.

Comme un clin d’œil aux lecteurs fidèles, Thierry Bourcy fait alors resurgir, tout au long du périple qui conduira Célestin LOUISE jusqu'en Allemagne occupée, de nombreux personnages rencontrés lors de ses précédentes et passionnantes aventures.

Croisant également, au cours de ses multiples investigations, des veuves qui cherchent désespérément la dépouille de leurs hommes mais aussi des éclopés, des gueules cassées, des prisonniers, des officiers bouffis de morgue, des soldats toujours sous les drapeaux, le tout dans des paysages souvent dévastés, Célestin Louise doit parallèlement lutter contre les démons qu'il trimbale depuis l'enfer des tranchées et qui, pourrissant ses souvenirs, empêchent tout retour pérenne à une vie normale.

Particulièrement sombre et dénuée de toute indulgence à l'égard d'une époque à tout jamais marquée au fer rouge de l'horreur absolue, l'ultime enquête de Célestin Louise signe son départ de la police et son exil pour la lointaine Amérique.

J'avoue m'être véritablement délecté de cet opus final et suis reconnaissant à Thierry Bourcy d'avoir su y apporter, avec juste mesure, tant sur le plan proprement historique que sur celui, plus spécifique, du modus operandi policier, la rigueur et la crédibilité auxquelles il avait su nous habituer dans ses précédents romans.

Quant à l'inspecteur Célestin Louise, héros attachant et sincère, compagnon de lecture qui, déjà, me manque cruellement, que lui souhaiter sinon de réussir à oublier, outre-Atlantique, les sinistres fantômes de cette incroyable boucherie, tellement incroyable que les anciens combattants de 14/18 eux-mêmes n'osaient pas la raconter.

Christian SOLEILHAC