« Samedi – temps clair – 6 h 10 » : tracée au crayon à papier, cette formule laconique, précédée de la mention « Exécuté à Versailles le 25 février 1922 », apparaît comme une sinistre épitaphe sur la page d'un des carnets de notes du bourreau Anatole Deibler.

« Landru – 6 h 10 – temps clair », c' est également le titre de l'exposition présentée actuellement au public dans les agréables salons du Musée des Lettres et Manuscrits de Paris.

Ce musée convie le visiteur, de manière fort bien orchestrée, à découvrir les pièces de l'enquête et du dossier d'instruction qui ont mené à l'arrestation puis à la comparution, devant la Justice, de l'un des plus grands criminels du siècle dernier.

Rappelons brièvement le contexte de l'époque : nous sommes en pleine guerre mondiale et des millions de soldats sont engagés sur tous les fronts. De la Marne à l'Yser, de Verdun à la Somme, de la Champagne à Salonique, la boucherie enfle et s'organise laissant derrière elle, dans des paysages dévastés, quasiment lunaires, son cortège de cadavres, de mutilés, de prisonniers et d'aliénés.

Pendant ce temps, loin du fracas des batailles, un petit homme chauve, à la barbe noire, au regard perçant et charmeur, lui aussi s'organise. Ayant flairé tout l'avantage que pouvait procurer un tel carnage, de tels bouleversements politiques, sociaux et humains, il se plonge avec méthode dans la lecture des annonces matrimoniales et s'ingénie alors à rencontrer puis séduire des femmes célibataires et des veuves, lesquelles sont légions, pour mieux les escroquer, les dépouiller de leurs biens avant qu'elles ne disparaissent dans les secteurs de Vernouillet et de Gambais.

 

L'enquête menée avec opiniâtreté par le jeune inspecteur de la 1ère brigade de police mobile Jules BELIN, assisté de son collègue BRAUNBERGER et du brigadier RIBOULET, fera ainsi état de onze victimes, dix femmes et le fils de l'une d'entre elles, attribuées au sieur LANDRU dont les alias (Frémyet, Dupont, Guillet,...) se succèdent au fil de ses horribles forfaits.

Finalement arrêté rue de Rochechouart en avril 1919, après une traque aux multiples rebondissements, il est trouvé porteur d'un carnet noir où sa manie de tout consigner méticuleusement, notamment ses activités et ses dépenses, lui sera fatale.

Alors que la France pleure toujours le million et demi de ses Poilus tombés au Champ d'Honneur, alors que les dommages de guerre apparaissent colossaux, que le désespoir et la colère s'accroissent, le procès du « Barbe bleue » de Gambais s'ouvre le 7 novembre 1921 devant la Cour d'Assises de Seine-et-Oise, là où se presse le Tout Paris : de Colette à Sacha Guitry, de Mistinguett à Raimu. Le spectacle est au rendez-vous et les déçus ne seront guère nombreux. Faisant la Une de tous les journaux, Landru s'érige en prisonnier le plus « populaire » de l'après-guerre.


 

Devant un public de plus en plus consistant et toujours plus friand de détails sordides, Landru clame son innocence. Oui ! il a bien escroqué les femmes dont on lui parle, non ! il ne les a pas tuées !; Avec une éloquence empreinte de provocation, se mettant lui-même en scène en redoublant de facéties, il demande même à la Cour que lui soient montrés les cadavres... un frisson parcourt alors le prétoire.

Malgré les efforts talentueusement déployés par son avocat, Maître Moro Giafferi, celui dont on sait qu'il a rencontré 283 femmes est condamné le 30 novembre 1921 à la guillotine, encore une « Veuve », mais de bois et d'acier celle-ci, dont il découvrira le sinistre profil en ce petit matin clair d'hiver 1922.

Enfin, comme pour entretenir davantage encore le mystère qui l'entourait, à son avocat qui lui demandait, au pied de l'échafaud, si finalement il avouait avoir assassiné ces femmes, Landru répondit le plus aimablement du monde : « Cela, Maître, c'est mon petit bagage... ».

 

 

 Je recommande donc vivement la visite de cette Exposition où sont offerts, à la vue du public, des documents et des objets particulièrement intéressants et poignants.

Procès-verbaux, rapports, photographies, carnets, maquette de la fameuse cuisinière à charbon (voir ci-dessus), tout ce qui est réuni là, associé à la diffusion d'un court métrage sur un écran élégant, concourt à passer un passionnant moment en compagnie d'un personnage hors normes, qui a gardé ses secrets, dont le nom a marqué, à jamais, l'histoire criminelle et judiciaire du siècle dernier et qui reçut en prison, il me plaît de le souligner, 4000 lettres d'admiratrices et 800 demandes en mariage !

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