La vie intime des commissariats, par Ernest Raynaud (édition présentée et annotée par Sandrine Fillipetti), Mercure de France, collection Le Temps retrouvé, 2012, 304 pages.

On peut être poète et commissaire de police. Si, si. Et être également un observateur subtil et féroce de son temps. C'est ce que prouve le commissaire Ernest Raynaud (1864-1936), pur produit de la police municipale parisienne, à qui l'on doit  des "Souvenirs de police" publiés dans les années 1920 dont le présent livre réédité (et savamment annoté) constitue le troisième volume.  

Aux côtés de notre "fonctionnaire de l'Etat placé sous l'autorité directe du préfet, agent de l'autorité administrative et officier de police judiciaire", de la Porte Saint-Martin au quartier Saint-Lambert, de Vaugirard aux Enfants-Rouges, on découvre tout ce qui fait la routine et l'exception dans le quotidien des commissaires de la fin du 19ème siècle (et qui sera encore vrai un siècle plus tard...). Au petit matin, les exhumations de corps au fond des cimetières ou les constats d'adultère ; le soir, les rondes dans les théâtres et les descentes dans les bouges ; et les crimes odieux, n'importe quand.

Emaillé d'anecdotes et de citations, truffé de digressions sur les crises politiques traversées (de l'affaire Dreyfus au péril anarchiste ou aux intrigues nationalistes), sur les rivalités entre services, sur les agissements de l'exécrable brigade Lombard ou  et sur les manoeuvres douteuses de la police politique de Puibaraud et consorts, le témoignage de Raynaud s'impose comme un captivant voyage dans l'univers policier à l'adolescence de la IIIème République.