SOBRIER (Joseph)

Délégué de la République au département de la police

Né le 6 juillet 1810 à Lyon (Rhône). Mort le 22 novembre 1854 à Saint-Egrève (Isère). Fils de Jean-Benoît Sobrier, épicier lyonnais établi rue Palais Grillet, et de son épouse Julie Varnet. L'acte de naissance enregistré sous le numéro 2219 en date du 7 juillet 1810 précise qu'il y a eu naissance de jumeaux, Joseph étant le premier né, suivi par son frère Claude Marie. Seul le prénom de "Joseph" figure à l'état-civil, alors que d'autres documents par la suite feront indûment état de prénoms tels que Marie-Joseph, Joseph-Marie ou Joseph-Camille.  Elevé par un oncle percepteur dans l'Isère, il bénéficie d'un héritage "considérable" le faisant rentier. Au début des années 1830, il s'installe à Paris, rue Saint-Jacques, pour "faire son droit". Dès lors, il entre en relations avec des républicains avancés et partage bientôt leurs idées. Il fréquente des conspirateurs, utilise partie de son argent à prêter secours à des familles de révolutionnaires et à financer des journaux républicains dont La Réforme. Vers 1833, ayant rejoint la Société des droits de l'Homme, il en devient chef de section dans le 12ème arrondissement.

Arrêté pour complot (recrutement d'insurgés et fourniture d'armes et de munitions) le 27 mars 1834, à l'approche des émeutes qui vont toucher Lyon et Paris le mois suivant, il est détenu à la prison de Sainte-Pélagie avant d'être mis hors de cause par la Cour des pairs et de bénéficier d'un non-lieu le 24 janvier 1835. 

Aurait été désigné par Flocon, le rédacteur en chef de La Réforme, dans les locaux mêmes de ce journal, pour s'emparer avec Marc Caussidière des locaux de la préfecture de police parisienne, rue de Jérusalem, lors des journées insurrectionnelles de février 1848 qui conduisent à la chute de la monarchie de Juillet et à la IIème République. Le 24 février 1848, il se proclame, avec Caussidière, délégué de la République française au département de la police, prenant de fait en charge la préfecture de police.

Deux jours plus tard, le 26 au soir, il est "pris d'une fièvre violente, résultat de plusieurs nuits sans sommeil" et met fin à ses fonctions le lendemain, quittant la préfecture de police pour s'installer dans une maison de la rue de Rivoli où il établit les bureaux du journal La Commune de Paris qu'il fonde et dont il devient le rédacteur en chef. Il fait aussi des lieux le siège d'un club qui engage de violentes polémiques contre le gouvernement.

Lors de la journée du 15 mai 1848 qui voit des insurgés notamment socialistes tenter un coup de force contre le pouvoir républicain, il pénètre avec eux dans l'enceinte du Palais-Bourbon et se fait remarquer au bureau du président de l'Assemblée nationale par "des gestes d'énergumène". "Sobrier est fou. Quand il s'anime, ses yeux hargards vitrés fixes lui sortent de la tête et son regard devient mauvais" écrit un contemporain. A la tête d'une quarantaine d'hommes, il s'empare ensuite de l'hôtel qui abrite le ministère de l'Intérieur où il prend possession des sceaux.

Arrêté peu après par des gardes nationaux, il est incarcéré et condamné en 1849 à 7 ans de détention par la Haute-Cour de Justice de Bourges pour "1° - Avoir, en mai 1848, commis un attentat ayant pour but de détruire ou changer le gouvernement. 2° - Avoir, à la même époque, commis un attentat ayant pour but d'inciter à la guerre civile en armant et en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres".

Après la proclamation de l'Empire, il adresse à Napoléon III une demande de grâce via le sous-préfet de Doullens (Somme) où il est incarcéré (Le Moniteur du 20 janvier 1853). Ayant obtenu cette grâce, il est libéré et l'on retrouve sa trace le 9 novembre 1854 quand il est placé d'office ("Sobrier, âgé de 42 ans, sans profession, sans domicile fixe") à l'asile public des aliénés de Saint-Robert (commune de Saint-Egrève, Isère). Il y décède peu après, le 22 novembre 1854.

Sources : Archives de la préfecture de police E/A 21, registres d'état-civil de Lyon.

Portrait : Extrait d'une planche du rapport annuel pour 1900 (G. Desplas) du Conseil municipal de Paris sur l'organisation et le fonctionnement de la préfecture de police.

Bibliographie :

- AUBOUIN (Michel), TEYSSIER (Arnaud) et TULARD (Jean) - sous la direction de – Histoire et dictionnaire de la police, du Moyen-Âge à nos jours, Paris, Editions Robert Laffont, collection Bouquins, 2005, p. 332.

- DUQUAI (Ernest) - Les grands procès politiques - Les accusés du 15 mai 1848, Paris, Armand Le Chevalier, 1869

- EULOGE (Georges-André) – Histoire de la police, des origines à 1940, Paris, Plon, 1985, p. 187-189

- STERN (Daniel) - Histoire de la Révolution de 1848, tome 2, Paris, Sandré, 1851, p. 151-153