A ceux qui voudraient revoir ce site ou le découvrir à distance, nous proposons une promenade "virtuelle" dans les lieux accompagnée de quelques repères historiques. N'hésitez pas : suivez le guide...!

L’HÔTEL BEAUVAU

 

 

 

 

 

Description

Le ministère de l'Intérieur a pour siège l'hôtel Beauvau situé dans le 8ème arrondissement de Paris, à la perpendiculaire de l'avenue des Champs-Élysées et à proximité même du palais de l’Élysée, résidence du chef de l’État. C'est une classique construction du 18ème siècle, à la fois sobre et solennelle.

 

"Cette maison est en face et à l'alignement de la rue de Marigny. Elle est précédée d'une portion circulaire. Son entrée est formée d'un péristyle de huit colonnes d'ordre dorique". Ainsi est-il décrit dans l'acte des enchères préparé par le notaire Faugé en janvier 1795.

L'édifice comprend essentiellement à l'époque un vaste rez-de-chaussée avec un étage en attique comportant quatre appartements. Ses écuries peuvent abriter trente-deux chevaux et huit carrosses.

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

 

L'hôtel tient son nom du maréchal-prince Charles-Just de Beauvau (1720-1793) - voir portrait ci-contre - qui, avec sa seconde épouse, Marie-Charlotte de Rohan-Chabot, en fut le locataire à vie dès sa construction, moyennant un bail annuel de 12000 livres, fixé par un acte notarié du 2 juillet 1768 lequel précise que l'hôtel "doit être livré en état d'être habité au 1er octobre 1769".

 

Le véritable premier propriétaire et constructeur de l'hôtel est Armand-Gaston Camus (1740-1804), avocat au Parlement de Paris et héritier de biens considérables acquis par son père Pierre Camus, ancien lieutenant général de bailliage de Coulommiers. Parmi ces biens figuraient de grands terrains non bâtis (jardins maraîchers) situés dans le faubourg Saint-Honoré et achetés aux marquis de Narville et de Roquépine en 1729. C'est là, entre la rue de Miromesnil et la rue des Saussaies qu'est bâti l'hôtel de Beauvau sous la direction de l'architecte du Roi, Nicolas Le Camus de Mézières (1721-1789). 

 

Entre 1795 et 1856, l'hôtel est successivement vendu à de riches cultivateurs (les Besse), à un général d'Empire issu de la haute bourgeoisie charentaise (Pierre Dupont, le vaincu de Bailen), puis au banquier André.

 

Trois ans plus tard, le 24 juin 1859, l’État achète l'hôtel de Beauvau et son terrain de 6962 m2 pour un montant de 2 millions de francs, dans la perspective d'y installer un ministère de l'Algérie dont la création est envisagée. L'opération ne se fait pas. Victor Fialin, comte puis duc de Persigny (1808-1872) nommé par Napoléon III à la tête du ministère de l'Intérieur le 5 décembre 1860, obtient par un décret du 17 février 1861 que son ministère soit transféré du 101 rue de Grenelle à son emplacement actuel.

Cette mesure est à la fois pratique et symbolique car l'hôtel Beauvau est à deux pas de l’Élysée où s'est décidé le coup d’État du 2 décembre qui a fait d'un président un Empereur et à proximité des Tuileries où réside alors le souverain.

Les plus grands aménagements et l'extension du site Beauvau interviendront sous la IIIème République. Ils seront surtout le fait des architectes Pigny (jusqu'à sa mort) et Moyaux :

- Regroupement des services dispersés (après la Commune) entre Versailles, la rue de Varenne, la rue de Grenelle et la place Beauvau.

- Acquisition de 11 700 m2 supplémentaires (extension Saussaies - Cambacérès) pour un total de plus de 6 millions de francs votés par le Parlement en 1880.

- Réalisation en 1889 d'une grande véranda sur le perron du ministre, côté jardin (elle sera détruite par la suite).

- Réalisation en 1900 (sous Waldeck-Rousseau) de l'imposante salle des fêtes.

L'hôtel est épargné par les tirs de la Grosse Bertha durant la 1ère Guerre mondiale. Mais des travaux sont réalisés en sous-sol pour aménager un blockhaus souterrain comme centre opérationnel. Il ne sera pas mené à terme, d'autres emplacements étant privilégiés dans les anciennes carrières de Paris.

L'extension du site atteindra son apogée après la Seconde Guerre mondiale, avec la réquisition puis le rachat des immeubles de la compagnie Saint-Gobain (1 et 1 bis place des Saussaies, rue Cambacérès et rue des Saussaies).

A la fin du 20ème siècle, le site Beauvau c'est 26 000 m2, sur les 86 700 m2 occupés par l'administration centrale du ministère de l'Intérieur (s'y ajoutent à l'époque  les sites de Nélaton, Nanterre, Levallois-Perret, Lognes, Ecully, etc). 

 




Les temps forts de la visite

 

 



 
 
 
 

Les grilles Beauvau

 

Leur fabrication s'est faite sur une commande du banquier César-Ernest André en 1856. Elles ont été réalisées par le serrurier Roy pour l'entrée monumentale de l'hôtel. Ce chef d’œuvre (souvent utilisé comme figure de reconnaissance des bâtiments du ministère de l'Intérieur) a fait perdre au portique initial son couronnement de pierre. 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

 

L'escalier d'honneur

 

Débutant en haut et à gauche de la volée de marches que l'on trouve après avoir franchi le perron de la cour d'honneur, cet escalier mène aux appartements du ministre. Le marbrier Coquet aîné et l'entrepreneur Laurent lui donnent sa forme définitive en 1859.

 

 

 

 

 

 
 
 
 

La salle des fêtes

Construite en 1900, sous Pierre Waldeck-Rousseau (président du Conseil et ministre de l'Intérieur de 1899 à 1902) par l'architecte Édouard Paulin grâce à un crédit spécial ouvert à l'occasion de l'Exposition Universelle qui se tient à Paris.

Cette immense salle sert en particulier à de grands évènements : réceptions du ministère, fête de la musique (en tant que salle de concert), vœux du ministre, conférences de presse, grandes réunions nationales (des préfets, par exemple), site d'installation du suivi par les médias des résultats des élections. 

Aux murs, des imposantes tentures d'Abbeville "Le sacre de Charles X" fabriquées en 1824 à l'occasion même du sacre royal.

 

 

 

 

Le salon Claude Erignac

Ex-salon vert dont le nom rend désormais hommage au préfet de Corse assassiné en 1998, ce salon accueille principalement du mobilier d'époque Empire. Mais on peut y voir aussi une console en bois peint blanc, rechampi or et dessus marbre blanc de l'époque Restauration (1824). C'est un magnifique exemplaire de la manufacture de la Savonnerie. 

 

 

 

 

 

La salle de réunion jardin

On y découvre une pendule à colonnes, marbre blanc et bronze doré époque Louis XVI dont le cadran est signé Le Dumois.

 

 

 

 

 

 

Les jardins

 

Ils sont entourés par la salle des fêtes (aile gauche), le salon Erignac, la salle de réunion, le bureau du ministre et de son directeur de cabinet (au centre), des bureaux sur l'aile droite aménagés dans une ancienne orangeraie,

- jardin d'hiver - et au fond, le couloir qui conduit au mess du ministère de l'Intérieur.

D'une superficie modeste, il a été planté au 19ème siècle de 413 arbres commandés aux pépinières de Trianon.

Cinq portes-fenêtres donnent accès à ce jardin depuis le bureau du ministre par une plate-forme suivie d'un perron de 12 marches.

En 1889, une véranda métallique (c'était la mode de l'époque) fut "accrochée" en façade au dessus de cette plate-forme pour donner plus de place pour les réceptions, la salle des fêtes n'existant pas encore. Cette véranda sera démolie quelques années plus tard.

 

 

 

 


 

Le bureau du directeur de cabinet

On y découvre quatre tapisseries des Gobelins intitulées "Les quatre continents" (Europe, Asie, Afrique et Amérique) réalisées sous l'Empire d'après les dessins de Duen Bois. Chaque continent est symbolisé par une femme entourée d'éléments rappelant la région du monde. Dans la pièce de secrétariat attenante se trouve un autre chef d’œuvre des Gobelins : "Les enfants jardiniers".


 
 
 
 
 
 



Le bureau du ministre

Dans la vaste pièce de travail du ministre se remarque aussitôt, dès l'entrée, son bureau. Il est de style Empire, en acajou. Il comporte un imposant plateau avec bronze et appliques dorés. Réalisé en 1812 par les élèves de l’École impériale des arts et métiers, on le donne comme ayant été celui de Jean-Jacques Cambacérès, duc de Parme, 2ème Consul et archichancelier de l'Empire, qui n'a cependant jamais été ministre de l'Intérieur.


 

La galerie des portraits des ministres de l'Intérieur

(voir liste chronologique complète illustrée)

A l’entrée du cabinet du ministre, on découvre la galerie des portraits de tous les ministres de l’Intérieur

Il y a eu (au 1er janvier 2015) 160 ministres différents depuis le premier portrait, celui de Lucien BONAPARTE, le frère cadet de Napoléon Bonaparte, qu’il aida lors du coup d’Etat de Brumaire, moment où il présidait le Conseil des 500. Il est nommé le 25 décembre 1799 en remplacement d’un nommé LAPLACE à qui le Consul Bonaparte reproche de « manquer de vues générales sur son Administration ».

Beaucoup sont inconnus du grand public dans cette liste de ministres : LAPLACE, GARAT, CHAMPAGNY, BEUGNOT, RAYNAL, LEYGUES, MARCHANDEAU, etc.

Mais on y relève aussi de grands noms : Joseph FOUCHÉ (seulement intérimaire en 1809 car ministre de la Police Générale), Lazare CARNOT (« l’organisateur de la victoire » dans l’épopée révolutionnaire), Adolphe THIERS, Alexandre LEDRU-ROLLIN (avocat, après la révolution de février 1848), Léon GAMBETTA (il est ministre de l'Intérieur lorsqu’il quitte PARIS en ballon pour organiser la Défense nationale depuis Tours puis Bordeaux), Pierre WALDECK-ROUSSEAU (loi associations 1901), le « petit père » Émile COMBES (loi 1905 séparation des Églises et de l’État), CLEMENCEAU, fondateur des brigades du Tigre et futur « père La Victoire », et plus près de nous Raymond MARCELLIN, Pierre JOXE (loi de modernisation de la police en 1985), Charles PASQUA, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Dominique de VILLEPIN (ancien Premier ministre) ou Nicolas SARKOZY (ancien président de la République).

 

Ces ministres ont, pour certains, eu des destins hors du commun :

SIX sont devenus par la suite PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE : Adolphe THIERS (1871), Emile LOUBET (1899), Armand FALLIERES (1906), François MITTERRAND (ministre de l’Intérieur en 1954-1955), Jacques CHIRAC (ministre de l’Intérieur succédant à Raymond MARCELLIN en février 1974 pour quelques mois jusqu’en mai 1974) et Nicolas SARKOZY (ministre de l’Intérieur de juin 2002 à mars 2004, puis de juin 2005 à mars 2007). Certains ministres ont voulu l’être sans réussir. C’est le cas de CLEMENCEAU en 1920.

 

D’autres ministres ont atteint ailleurs une grande renommée internationale : Léon BOURGEOIS (républicain modéré) et Aristide BRIAND (qui fut un temps compagnon de route de JAURES) seront l’un et l’autre Prix Nobel de la Paix à quelques années d’intervalle entre les deux grandes guerres.

 

D’autres encore ont eu des destins tragiques : Louis BARTHOU (ministre des affaires étrangères, tué à Marseille en 1934 en même temps que le roi Alexandre Ier de Yougoslavie), Roger SALENGRO (suicide en 1936 après une campagne de presse de l’extrême droite) ; Marx DORMOY (maire de Montluçon) qui le remplace dans le gouvernement du Front Populaire, assassiné à Montélimar par la Cagoule en juillet 1941 ; Georges MANDEL (ministre de l’Intérieur en mai 1940 assassiné par la Milice en 1944). Pierre LAVAL (ministre de l’Intérieur en 1931, fusillé à la Libération).

 

A noter que s’agissant de la période de l’Occupation, figure dans la galerie, non pas le nom des ministres vichystes, mais ceux du Gouvernement provisoire de la France dont le plus célèbre : Emmanuel d’ASTIER DE LA VIGERIE.

 

Beaucoup ont été ministres de l’Intérieur plusieurs fois dans leur carrière politique. Le record est détenu par Camille CHAUTEMPS (radical socialiste, maire de Tours) nommé NEUF FOIS à ce poste entre juin 1924 et janvier 1934), suivi par Louis MALVY (7 fois) Jules MOCH (6 fois – 4° République). Beaucoup l’on été trois ou quatre fois comme THIERS, CONSTANS, BRUNE ou TARDIEU. Les périodes de plus grande instabilité se situent dans les « années folles », l’entre-deux guerres, et sous la IV° République. Camille CHAUTEMPS et Jules MOCH se sont succédés quatre fois à eux mêmes.

 

Une seule femme a jusqu'à présent été ministre de l'Intérieur (Michèle ALLIOT-MARIE, 2007-2009) dans notre pays. La moyenne de durée dans le poste est inférieure à un an, toutes périodes confondues. Le record de la plus courte durée revient à Hugues MARET (8 jours en 1834 quand il est remplacé par THIERS) et Eugène FROT (qui tiendra 11 jours avant d’être balayé par les évènements de février 1934). Les records de longévité sont détenus par le Comte de CORBIERE au 19ème siècle (ultraroyaliste - plus de 6 ANS entre 1821 et 1828) – Roger FREY et Raymond MARCELLIN au 20ème siècle (ces ministres du Général de GAULLE étant resté l’un et l’autre plus de 6 ANS en poste, entre 1961 et 1974).




Les cellules de la Gestapo (dans des bâtiments ne dépendant pas de l'hôtel Beauvau)

En août 1940, le sous-lieutenant Nosek, chef d'un commando autonome à mission spéciale de la Gestapo réquisitionne les locaux du 11 rue des Saussaies et rue Cambacérès, en grande partie abandonnés par une police française qui a suivi le gouvernement à Vichy. Ce que l'on appellera "la Gestapo de Paris" restera là jusqu'en août 1944. Plusieurs locaux de sûreté sont aménagés et une passerelle construite pour relier les immeubles de la rue des Saussaies.

Dans ces réduits de détention exigus sont retenus des hommes et des femmes interrogés, torturés. Certains de ces lieux ont été sauvés après guerre d'un réaménagement, sans doute parce que trop petits ou peu utiles. Ils sont restés en l'état, servant un temps de débarras. Depuis lors, des plaques de plexiglas apposées sur les parois à l'époque de Gaston Defferre pour sauver les nombreuses inscriptions faites sur le plâtre des murs. Lieux de mémoire désormais préservés et fleuris.

Ces locaux comportent d'émouvants témoignages de ceux qui sont passés là. Mots gravés dans le plâtre, écrits sur les murs... des messages d'espoir, des conseils, des cris d'amour, des cris de haine, de simples initiales...





Références bibliographiques

 

BARIELLE (Jean-François) - "L'hôtel de Beauvau" in Le faubourg Saint-Honoré, Paris, Henri Veyrier, 1983, pages 188-192.

BONVARLET (Xavier) - "Charles-Just de Beauvau - Le premier locataire de... Beauvau" in revue Civic n° 56 du ministère de l'Intérieur, décembre 1995, pages 50-51.

BOUCHER (Jacqueline) - "L'évolution de la Maison du Roi, des derniers Valois aux premiers Bourbons" in XVIIème, n° 137, octobre-décembre 1982. 

BOUTEILLER (Paul) - L'hôtel de Beauvau - 96, rue du Faubourg Saint-Honoré - Des origines à nos jours - Histoire d'un hôtel parisien devenu ministère, Paris, Editions ISI, 1994.

DELARUE (Jacques) - Les cellules de la Gestapo de Paris 1942-1944, brochure du ministère de l'Intérieur, éditions SIRP, novembre 2003.

L'hôtel de Beauvau, ministère de l'Intérieur, Paris, 1964 (brochure commandée par Roger Frey, archives du ministère de l'Intérieur).

Au moins deux autres brochures ont été réalisées par les services du ministère de l'Intérieur depuis lors sur le même sujet, dont l'une avec un texte de Paul Bouteiller et ayant comme sous-titre "histoire d'un hôtel privé parisien devenu ministère".