Au printemps 1966, dans le prolongement de l’affaire Ben Barka (Enlèvement au coeur de Paris, le 29 octobre 1965, de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka dont le corps ne sera jamais retrouvé. Deux inspecteurs de la police judiciaire parisienne - Louis Souchon et Roger Voitot - sont impliqués dans cet acte criminel. L'inertie de la préfecture de police dans les semaines suivantes irritera le président de la République Charles de Gaulle qui mène alors campagne pour son élection, cette fois au suffrage universel),  le gouvernement de Georges Pompidou saisit l’Assemblée nationale d’un projet de loi n° 1882 portant organisation d’une police d’Etat.

L’objectif de ce texte est de constituer un corps unique de personnels dont les statuts vont s’appliquer à tous les policiers français, que ceux-ci appartiennent à la direction générale de la sûreté nationale ou à la préfecture de police parisienne. Il s’agit d’une réforme fondamentale en ce qu’elle met un terme à la co-existence, pendant plus d’un siècle, de polices différentes à bien des égards (recrutement, formation, salaire, avancement, retraite,…), souvent jalouses entre elles, parfois antagonistes.

D’un côté, on trouve la préfecture de police, créée par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) et qui depuis lors a survécu à tous les régimes successifs en conservant son statut particulier (Considérée alors comme "la meilleure police de France", "une réunion d'agents habiles et dévoués ayant une expérience et une sagacité toute spéciales", la préfecture de police est à deux reprises durant le XIXème siècle chargée de l'ensemble des polices du pays (hors polices municipales), la Sûreté générale lui étant rattachée. C'est le cas du 30 novembre 1859 jusqu'à la fin du Second Empire, puis du 17 février 1874 au 9 février 1876) comme une garantie d’efficacité pour maintenir l’ordre et veiller à la sécurité des biens et des personnes dans Paris, capitale du pays, siège du gouvernement et des pouvoirs constitués et vaste champ d’expression de tous les mécontentements.

De l’autre côté, la direction générale de la sûreté nationale, créée par un décret du 28 avril 1934 (en lieu et place de l'ancienne direction de la sûreté générale, "partie du ministère de l'Intérieur chargée de la police), disparue sous Vichy pour renaître à la Libération par l’ordonnance du 16 novembre 1944, est compétente sur tout le pays dans les limites des attributions de la préfecture de police sur le ressort du département de la Seine.


L’objectif de la profonde réforme voulue en 1966 tient en quelques lignes. C’est « la formation d’un corps unique [permettant] de créer auprès du ministre de l’Intérieur une administration unifiée dont la compétence s’étendra sur la totalité du territoire, y compris la région parisienne et sur la totalité des services. Cette administration disposera ainsi d’une vue d’ensemble afin d’animer l’action des différents services en matière de police judiciaire et des renseignements généraux. Notamment, disparaîtront les inconvénients qui pouvaient résulter de la présence à Paris, d’une part, et en province, d’autre part, de deux services ne relevant pas de la même hiérarchie ».

Les députés votent le projet après déclaration d’urgence. A leur tour, les sénateurs se prononcent très vite en faveur du texte, après avoir cependant préféré le terme de « police nationale » à celui de « police d’Etat » (voir ci-dessous page de garde du rapport Vignon).




Adoptés le 9 juillet 1966, les cinq modestes articles de la loi n° 66-492 portant organisation de la police nationale (J.O. du 10 juillet 1966, page 5899) prévoient la fusion des personnels de police de la Sûreté nationale et de la préfecture de police, sans toutefois remettre en question l’existence même de ces deux institutions.

Dans son article 1er, le texte dispose que « la police nationale relève de l’autorité du ministre de l’Intérieur ». Il ajoute (art. 2) que « pour la constitution initiale des corps de la police nationale, il est procédé par intégration des fonctionnaires appartenant aux services actifs de la sûreté nationale et de la préfecture de police. Les conditions et les modalités de recrutement, de nomination, d’avancement et de congé de maladie des corps nouveaux seront définies en fonction de l’intérêt du service et en tenant compte du régime statutaire le plus favorable ».

Les nouveaux statuts n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 1968, date qui correspond également à l’entrée en application d’une loi du 10 juillet 1964 réorganisant la Région parisienne.

             Dans l’attente, l’administration centrale du ministère de l’Intérieur entre dans une période de transition caractérisée par un double souci : d’une part, mettre en place une organisation nouvelle assurant la cohésion des personnels et des moyens de la police à l’échelle nationale ; d’autre part, préserver dans une large mesure le particularisme de la préfecture de police.

 D’où la création, par le décret n° 66-1017 du 28 décembre 1966, d’un poste de secrétaire général pour la police (confié à Jacques Aubert) chargé d’assister « le ministre de l’Intérieur pour la direction et l’administration de l’ensemble des services de police » (art. 2) et de « régler les questions d’ordre administratif touchant le fonctionnement des services de police et celles concernant les moyens mis à la disposition de ces services » (art. 3). Quelques mois plus tard, en mars 1967, un secrétariat général pour la police est institué et se voit confier plusieurs directions et services (administratifs comme opérationnels) relevant jusque là de la direction générale de la sûreté nationale :

- la direction du personnel et du matériel

- la direction de la réglementation

- le service des voyages officiels et de la sécurité des hautes personnalités

- le service de coopération technique internationale de police

- le service central d’identification

- le service central automobile

- l’inspection générale des services et écoles de police qui devient « le service d’inspection générale et de contrôle de la police nationale ».

 

            Pour sa part, la direction générale de la sûreté nationale conserve sous sa houlette les trois grandes directions actives de police (police judiciaire, renseignements généraux et surveillance du territoire) ainsi que la sous-direction des polices urbaines et la sous-direction des compagnies républicaines de sécurité (art. 3).

            L’année suivante, une nouvelle direction est créée et vient rejoindre le secrétariat général pour la police par décret n° 68-17 du 8 janvier 1968. Il s’agit de la direction des écoles et techniques de la police nationale à laquelle sont rattachés (art. 3) les écoles de police, le service central d’identification, les établissements qui en dépendent, de même que le centre national de perfectionnement du tir.

            Par arrêté du 13 janvier 1967, le secrétaire général pour la police a délégation permanente du ministre de l’Intérieur pour signer, à l’exclusion des décrets, tous actes, arrêtés et décisions concernant la réglementation et la mise en œuvre de la police administrative, les missions, l’organisation et le fonctionnement des services de police, ainsi que les personnels et les moyens matériels mis à la disposition de ces services. Chargé de la liaison avec la préfecture de police, il « dispose, en tant que de besoin, de la direction générale de la sûreté nationale » (décret du 14 mars 1967).

            Le secrétariat général pour la police et la direction générale de la sûreté nationale sont supprimés par le décret n° 69-888 du 29 septembre 1969 (publication au Journal Officiel du 1er octobre 1969) portant réorganisation du ministère de l'Intérieur. Ce texte (voir copie ci-dessous) crée la direction générale de la police nationale.


 Nommé par décret du président de la République, sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur (mesure individuelle prise en Conseil des ministres, sur la proposition du ministre de l'Intérieur), le directeur général de la police nationale exerce désormais les compétences attribuées par les textes en vigueur au directeur général de la sûreté nationale et au secrétaire général pour la police (article 2 du décret).

Dix-huit directeurs généraux vont se succéder à ce poste entre octobre 1969 et aujourd'hui (voir liste complète).  Tous sont issus du corps préfectoral, à l'exception de François Roussely, magistrat de la cour des comptes, et de Frédéric Péchenard, haut-fonctionnaire de police issu du corps des commissaires de police. Deux anciens directeurs généraux sont devenus ensuite préfets de police (Pierre Verbrugghe, Michel Gaudin). Un seul directeur général a été antérieurement préfet de police (Jacques Lenoir).


La nouvelle direction générale comprend, à sa naissance (art. 1er du décret précité, après rectificatif paru au J.O. du 4 octobre 1969), trois directions d’administration :

- la direction de la réglementation

- la direction du personnel et du matériel de la police

- la direction des écoles et techniques de la police nationale

 et huit directions et services actifs :

- la direction centrale de la police judiciaire

- la direction centrale des renseignements généraux

- la direction de la surveillance du territoire

- la direction centrale de la sécurité publique (cette direction existe de fait mais, pour des raisons d'abord budgétaires, seules ses composantes - sous-direction des polices urbaines et sous-direction des compagnies républicaines de sécurité - sont citées par le décret du 29 septembre 1969 rectifié)

- le service d’inspection générale et de contrôle de la police nationale

- le service des voyages officiels et de la sécurité des hautes personnalités

- le service de coopération technique internationale de police

- le service central automobile.