Avec pour commissaire de l'évènement, Pierre Piazza, maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise (CESDIP/LEJEP) qui a notamment dirigé la publication de l'ouvrage collectif  Aux origines de la police judiciaire. Alphonse Bertillon, précurseur de la science du crime (Paris, Karthala, 2011) dont nous avons rendu compte en son temps sur notre site ( voir note de lecture), l'exposition présentée au musée de Vire porte un regard sur tous les sujets  (et ils sont nombreux) explorés et défrichés par Bertillon, ainsi que sur toutes les méthodes criminalitisques (tout aussi nombreuses) que ce fondateur et chef du service d'identité judiciaire de la préfecture de police a inventées, imposées et mises en oeuvre.

Voilà le visiteur revenu à une époque où les anarchistes (Ravachol en tête) dynamitaient Paris et où les Apaches, pour les beaux yeux de Casque d'Or, s'étripaient dans les bas-fonds de la capitale. Et le voilà découvrant l'anthropométrie judiciaire imaginée au début des années 1880 par Bertillon pour identifier les récidivistes à partir de leurs mensurations  (taille, largeur de la tête, ...) obtenues grâce à des instruments précis (et un peu inquiétants...) comme le pied à coulisse ou le compas d'épaisseur (pince céphalique).

Ce système d'identification (le "bertillonnage"), devenu célèbre et mondialement pratiqué, ne résistera pourtant pas à l'arrivée de l'empreinte digitale dans l'arsenal policier. Bertillon introduit d'ailleurs la dactylotechnie dans ses fiches de signalement et réalise en  octobre 1902 la première identification à distance en France d'un criminel (l'assassin et cambrioleur Henri-Léon Scheffer) par ses seules empreintes digitales.

Sous son impulsion, tous les domaines de l'enquête sont investis par la technique et traités avec méthode : le "gel", la pérennisation de la scène de crime par le plan et la photographie, la recherche et le prélèvement des traces et indices sur les lieux, l'examen et la comparaison des échantillons découverts. La révolution de police scientifique est en marche, suscitant l'enthousiasme des uns, le doute ou la moquerie des autres.

C'est sur tout cela (mais aussi sur les travaux de Bertillon concernant l'iris de l'oeil, les tatouages ou encore les caractéristiques des professions manuelles) que s'attarde l'exposition du musée de Vire. Et la réussite est au rendez-vous tant la matière est riche et souvent inédite, la scénarisation dynamique et pédagogique, la présentation toujours pleine d'intérêt, dans son approche comme dans son questionnement.

 

Placé sous la direction de Mme Marie-Jeanne Villeroy, attachée de conservation du patrimoine, le musée (abrité dans le corps de logis et la chapelle d'un hôtel-Dieu du XVIIIe siècle précédé d'un magnifique jardin à la française) est ouvert du mercredi au dimanche, de 10h à 12h 30 et de 14h à 18h.

Des soirées "Jeudi Noir au Musée" (prévues les 11 juin et 22 octobre 2015, à partir de 20h 30, avec le concours des comédiens de la Cie Habaquq) donneront vie au Roman noir des Origines (1er épisode) et à L'Enquêteur contemporain (2e épisode).  Pour en savoir plus.

A noter la mise en ligne sur Criminocorpus de 100 documents originaux portant sur la police scientifique et le Bertillonnage: https://criminocorpus.org/fr/ Pour une présentation un peu plus détaillée de ce corpus, cliquez sur le lien ci-dessous: http://criminocorpus.hypotheses.org/10793