Petites histoires de la Police Technique et Scientifique : Aux origines des experts

par Philippe Marion, Books on Demand, 176 pages, 2018.

    Docteur ès sciences, ingénieur en chef de la police technique et scientifique en activité au laboratoire de police scientifique de Lille, Philippe Marion abandonne ici sa combinaison isolante et ses gants en latex si indispensables aujourd'hui sur une scène de crime pour nous entraîner plus d'un siècle en arrière, à une époque où la notion de criminalistique était à peine ébauchée. A ses côtés on découvre les trois grands personnages qui ont marqué la naissance de la police technique et scientifique dans notre pays : le professeur lyonnais Alexandre Lacassagne (1843-1924), un extraordinaire médecin-légiste fondateur de l'anthropologie criminelle ; l'employé de la préfecture de police de Paris Alphonse Bertillon (1853-1914), créateur et premier chef de service de l'identité judiciaire du quai des Orfèvres dans les années 1890 ; et, enfin, le professeur Edmond Locard (1877-1966), fondateur à Lyon, en 1910, du premier laboratoire de police scientifique français.

    Dans un style alerte et élégant, avec l’œil du professionnel maîtrisant parfaitement sa matière et avec la passion de l'historien s'étant extrêmement bien documenté sur les sujets traités, l'auteur nous fait revivre les parcours de ces trois maîtres de la police technique et scientifique française, des parcours émaillés de retentissantes réussites pour l'enquête (on pense à l'affaire de la malle à Gouffé, s'agissant de Lacassagne ; à la reconnaissance du dynamiteur Ravachol par l'anthropométrie judiciaire ou bien à l'affaire Scheffer, première identification à distance d'un tueur par ses empreintes digitales en octobre 1902, pour Bertillon ; à l'affaire de meurtre de "Coco-la-Chérie" ou à l'affaire du "corbeau de Tulle" pour Locard) mais aussi de cuisants échecs que ces pionniers ont eu parfois beaucoup de mal à digérer. 

    Ce retour aux sources est aussi l'occasion pour Philippe Marion de revenir, sous un angle scientifique qui peut ici et là modifier notre vision des choses, sur de célèbres affaires criminelles qui ont montré toutes les limites des moyens d'investigation utilisés alors par une police ou une gendarmerie de plus en plus souvent confrontées à des assassins très mobiles (tel Joseph Vacher, l'éventreur de bergers et de bergères entre 1894 et 1897, capable de parcourir à pied une incroyable distance dans la journée pour échapper à d'éventuels poursuivants) comme à des malfaiteurs déterminés et bien armés, à l'exemple des "bandits en auto" de la Bande à Bonnot. 


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Une résistance franco-suisse - Le réseau Micromégas

par Yves Mathieu, Paris, Cabédita Éditions, collection Archives vivantes, octobre 2018, 230 pages

    Au lendemain de l’offensive victorieuse de la Wehrmacht sur le front occidental, la présence des nazis et des fascistes à ses frontières fait craindre le pire à la Suisse qui se met à redouter une attaque-surprise, convaincue que dans les circonstances présentes, son statut de neutralité ne représente plus une véritable garantie au regard du respect de l’intégrité de son territoire. Cette situation amène les autorités suisses à activer leurs services de renseignements. Ceux-ci s’efforcent de trouver au sein des populations réfugiées – dont nombre de policiers français – les précieux auxiliaires qui leur font défaut. La frontière franco-suisse devient un enjeu essentiel pour le pays qui, par ailleurs, se doit de donner des gages de neutralité…

    En dépit de ce contexte de tous les dangers, de nombreux réseaux de renseignements se constituent en Suisse. Leur spécificité est d’utiliser ce pays comme plaque tournante, pour faire remonter les informations collectées aux Alliés. Le réseau Micromégas est de ceux-là. Il est dirigé par un grand nom du contre-espionnage d’alors, le commissaire principal Simon Cotoni.

    Le commissaire divisionnaire honoraire Yves Mathieu nous avait déjà livré voilà quelques années ( en mai 2014) un très remarqué ouvrage sur le réseau Ajax et ses "policiers dans la résistance". Son nouvel opus procède à la description de l’émergence et du fonctionnement du réseau Micromégas (lui aussi constitué par un nombre non négligeable de policiers français), à la façon dont celui-ci se structure, se finance et développe sa toile sur l’ensemble du territoire français. Sont également explicités et développés, les types de rapports rédigés par les agents et les informations militaires qu’ils permettent de fournir aux Alliés sur l’état des troupes allemandes, les installations militaires, les transports de l’ennemi, etc.

    Enfin, le combat des agents français de Micromégas n’est pas sans s’accompagner d’inexorables troubles de conscience : s’adonner à l’espionnage au profit d’une puissance étrangère, fût-elle non alignée, n’est-ce pas trahir son propre pays? La crainte de ne pas être reconnus en tant que Français résistants a hanté les esprits des quelque cent soixante agents de l’organisation. La solution à cette difficulté ne s’exonérera pas de nombreuses péripéties sur lesquelles ce livre passionnant et très documenté fournit des données circonstanciées.


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Mai 68 Mémoires

par Maurice Grimaud, préface d'Olivier Wieviorka, Paris, Tempus Perrin, poche, avril 2018, 320 pages

    A l'occasion du 50e anniversaire des évènements de mai-juin 1968, les éditions Perrin ont eu la bonne idée de rééditer en poche le livre écrit sur la période en question par celui qui était alors aux premières loges : le préfet de police de l'époque, Maurice Grimaud. Pourquoi ne pas avoir conservé en couverture le titre initial de l'ouvrage paru en 1977 chez Stock : "En mai, fais ce qu'il te plaît"... Peu importe. Disons-le, ce livre (comme le témoignage qu'il porte) est remarquable de clarté, de lucidité et d'humanité. Incarnation du grand serviteur de l’État, le préfet Grimaud compte derrière lui une longue carrière préfectorale (dont quatre années en tant que directeur de la Sûreté nationale) quand il remplace, en janvier 1967, Maurice Papon à la tête de la préfecture de police parisienne. La passation de pouvoirs entre les deux hommes s'est faite dans une ambiance plutôt fraîche, dira-t-on.

    Et puis vient Mai 68. Par son infatigable action aux commandes des forces de l'ordre, par son rôle (souvent modérateur) auprès du pouvoir exécutif, par sa vigilance et son courage (il n'hésite jamais à aller au devant des manifestants, à parcourir les rues, sans service d'ordre, sans protection autour de lui), Maurice Grimaud va être l'homme de la situation et éviter le pire, l'usage des armes, le franchissement de la ligne rouge.

    Ses Mémoires rendent compte de façon chronologique des évènements, en restituent les temps forts (son récit de la 1ere nuit des Barricades, celle du 10 mai, est d'une rare intensité), les moments de doute, les rumeurs et les fantasmes. On y trouve également le texte complet de la circulaire que Maurice Grimaud adresse le 29 mai à tous les policiers, "à toute la Maison" écrit-il, pour leur redire la confiance qu'il place en eux, la difficulté des épreuves qu'ils traversent et le courage montré, mais aussi les exactions inacceptables commises par certains d'entre eux. On ne frappe pas un homme à terre, on ne fait pas un usage inutile ou disproportionné de la force. "Nous nous souviendrons, écrit-il encore, pour terminer, qu'être policier n'est pas un métier comme les autres ; quand on l'a choisi on en a accepté les dures exigences mais aussi la grandeur". On aura compris que l'ouvrage est à lire (ou à relire) sans hésiter.


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L'inspecteur et l'inverti : La police face aux sexualités masculines à Paris 1919-1940

par Romain Jaouen, préface de Elissa Maïlander, Presses Universitaires de Rennes, collection Mnémosyne, février 2018, 263 pages

    Le Paris de l’entre-deux-guerres est connu des historiens pour son éclat, son exubérance et ses transgressions. Dans un contexte légal discret sur le sujet de l’homosexualité, la capitale française est notamment un lieu de rencontre entre hommes à ciel ouvert. Tout un univers de relations s’y déploie autour de quelques quartiers et établissements de nuit, ce que ne manquent déplorer certains observateurs, soucieux du respect des normes et de la morale.

    Les forces de police, sillonnant les rues, constituent un témoin original de ces rencontres. Du trottoir à l’hôtel en passant par le commissariat, les agents croisent régulièrement les trajectoires des hommes qui trouvent dans la ville les espaces, parfois les interstices, de leur pratique amoureuse. Loin de se contenter d’un regard, ils endossent alors un rôle de régulateur, n’hésitant pas à sanctionner les actes qu’ils estiment répréhensibles. 

    Cet ouvrage que l'on doit à Romain Jaouen, enseignant et titulaire de l'agrégation d'histoire, pourrait se sous-titrer : quand la Mondaine surveillait, fichait et malmenait les homosexuels de la capitale. Il s’intéresse au contrôle policier des sexualités masculines à Paris dans l’entre-deux-guerres. Il montre comment certaines rencontres entre hommes, tant dans l’espace public que dans certains lieux privés, font l’objet d’enquêtes et d’opérations quotidiennes de la part de la police des mœurs. Celles-ci visent à réprimer les comportements jugés indécents ou contraires à la morale. Ce contrôle tend à se renforcer de 1919 à 1940, et cible de plus en plus précisément l’homosexualité comme phénomène à endiguer. À travers l’interaction policière, ce sont les catégories sociales de perception des sexualités marginales ainsi que leur usage par l’institution policière qui sont interrogés. Il faudra attendre la loi Forni d'août 1982 pour que le "délit d'homosexualité" soit (enfin) abrogé en France.


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Sur les traces de la C.R.S. 181 - 1944-1964

par Eric Dussert et Pascal Gensous, préface de Jean-Marc Berlière, Les Dossiers d'Aquitaine, collection "Mémoire et Patrimoine", novembre 2017. 

     Dans le prolongement de la création des CRS, les Compagnies Républicaines de Sécurité, par un décret de décembre 1944 signé du chef du gouvernement provisoire, le Général de Gaulle, la 1ere compagnie de la 18e région, celle de Bordeaux, prend l'appellation de CRS 181. C'est la vie quotidienne avec ses aléas et ses problèmes, ce sont les missions, les déplacements, les engagements - en maintien de l'ordre comme en sécurisation -, des policiers de cette unité que l'ouvrage retrace sur deux décennies grâce à quelque 600 photographies et documents, en partie inédits, et grâce également aux confidences, aux souvenirs, aux anecdotes que les auteurs ont pu recueillir, au terme d'un travail de titans, auprès des acteurs de la CRS et de leurs trois cents familles.

    On se laisse prendre à suivre l'ordinaire de ces hommes issus des milieux les plus divers (ils sont à l'origine paysans, ouvriers, comptables ou même instituteurs)  et qui ont vécu la période de l'Occupation soit dans les Groupes Mobiles de Réserve (GMR) qui fourniront beaucoup d'effectifs aux nouvelles CRS, soit au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne, mais aussi dans la Résistance et, parfois, les camps de concentration. De nombreux épisodes de l'activité opérationnelle des CRS durant la période considérée sont passés en revue, relatés avec précision. Leur premier déplacement sera marqué par la visite privée du Premier ministre britannique Winston Churchill au Pays Basque. S'enchaîneront la surveillance des frontières, les violentes grèves de 1947 et 1955, puis la Guerre d'Algérie. On sourit parfois en découvrant les débuts des maîtres-nageurs sauveteurs CRS sur les côtes de l'Atlantique, et l'on s'attriste au récit de la mort d'un certain nombre de policiers "fidèles à leur devoir jusqu'au sacrifice suprême", fidèles à la devise des CRS qui est : "Servir".

    S'ouvrant sur une remarquable préface, ce livre est à tous égards, et notamment sur le plan humain, d'une grande richesse qui intéressera aussi bien le grand public que l'historien. 


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Mémoires de Rossignol, Ex-inspecteur principal de la Sûreté

par Gustave-Amand Rossignol, préface et notes explicatives de Charles Diaz, Paris, Mareuil Éditions, 384 pages, janvier 2018.

    Surnommé l'Oiseau-Mouche par ses collègues, l'inspecteur Rossignol est malin, courageux, infatigable. Il est un as du "camouflage", autrement dit de l'art de se déguiser pour mener à bien de discrètes filatures. Ce policier, couvert de cicatrices à la fin de sa carrière (morsures, coups de couteau, etc.), reste comme l'un des ténors de la police de Sûreté (l'ancêtre de la PJ d'aujourd'hui), l'une des grandes figures du quai des Orfèvres à la fin du 19e siècle. Publiées une seule fois en 1900, ses Mémoires n'avaient pas été rééditées depuis. 

    Ce vide est maintenant comblé grâce à cette publication qui s'accompagne d'un important cahier d'annotation et va permettre au lecteur d'aujourd'hui de découvrir cette période de l'histoire où la Troisième République s'efforce d'inventer la police républicaine. Rossignol a des états de service exceptionnels. En dix-neuf ans d'activité dans les rangs de la Sûreté parisienne, il a eu à fréquenter tous les milieux, à commencer par les bas-fonds de la capitale. Ses enquêtes l'ont conduit à affronter des criminels anarchistes, des assassins, des voleurs et des escrocs de tous poils. Et à opérer rien moins que 2000 arrestations. L'inspecteur est à la fois attachant et inquiétant. Attachant par son courage (il n'hésite pas à se jeter dans une eau terriblement froide pour sauver un inconnu). Inquiétant quand il se sert d'un morceau de peau humaine (celle du criminel exécuté Pranzini) pour faire fabriquer des porte-cartes et les offrir comme autant de trophées à sa hiérarchie. 

    C'est cet extraordinaire parcours, ce sont  tous ces épisodes y compris les moins reluisants, qu'il relate sans tabou dans ses Mémoires, faisant revivre le Paris clandestin de l'époque et faisant partager au lecteur les coulisses de la police criminelle d'alors, pleines d'obstacles, d'agitation et de troubles secrets. Ces Mémoires sont à la fois un incroyable récit qui tient parfois du polar et un texte de référence pour l'histoire de l'institution policière. Une incontournable découverte à faire malgré le style vieillot de l'écriture largement compensé par l'incroyable originalité de bien des situations relatées.

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Du crime au châtiment : Lorsque rôdent les assassins à la Belle Époque

par Michel Malherbe, Paris, Éditions de Borée, 381 pages, novembre 2017.

    Ancien policier d'investigation à la direction de la PJ parisienne, expert près les tribunaux et auteur d'ouvrages spécialisés sur l'histoire de l'armement, Michel Malherbe entraîne cette fois le lecteur dans une mortelle randonnée. Il lui fait découvrir de retentissants faits divers tirés de cette période de l'histoire française que, bien longtemps après (et sans doute en raison d'une certaine nostalgie de ce "Monde d'hier" disparu après 14-18) certains ont cru pouvoir baptiser "La Belle Époque". 

    C'est certes, en ce début du 20e siècle, le temps de formidables progrès scientifiques et technologiques, mais c'est aussi une misère de la classe ouvrière qui perdure au fond des mines et ailleurs. A Paris où le préfet de police Lépine tient de longue date la rue et la police politique mais sans accorder toutefois assez d'importance à la lutte contre la délinquance, les Apaches, malfrats des barrières et des bouges, font craindre le pire, menacent, volent et tuent. Qu'ils soient dictés par l'appât du gain, par des pulsions sexuelles ou par d'autres mobiles, les assassinats et les meurtres font la une des journaux populaires à grand tirage et de leurs suppléments illustrés à cinq centimes, le Petit Parisien et le Petit Journal en tête. 

    Jeanne Weber, l'Ogresse de la Goutte d'Or y voisine avec le violeur et tueur de fillette Albert Soleilland ou avec les braqueurs de la bande à Bonnot à la trajectoire sanglante. Arrières pensées politiques, débats sur la peine de mort, questionnements sur le criminel-né... le crime et le criminel interpellent la jeune Troisième République. Les chiffres de la criminalité explosent et amènent des réactions politiques. En province, des bandes organisées mettent en coupe réglée plusieurs départements. Les "chauffeurs du Nord" avec à leur tête Abel Pollet, les chauffeurs de la Drôme ou encore les bandits d'Abbeville créent un véritable climat d'angoisse qui amènera début 1907 à la Chambre des députés, une interpellation destinée au Président du Conseil et ministre de l'Intérieur Clemenceau, et le premier véritable débat parlementaire consacré à l'insécurité. Avec, au bout du compte la naissance des fameuses brigades du Tigre.

    L'ouvrage de Michel Malherbe, au style alerte et au contenu bien documenté, est une véritable plongée dans ces affaires criminelles retentissantes ou pas, résolues ou pas mais dont l'impact n'est jamais insignifiant sur une démocratie en croissance. Instructif et captivant.

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Mémoires de police - Dans la tourmente de mai 68

par Charles Diaz, Paris, Éditions Textuel, octobre 2017, 160 pages.

    Spécialiste de l'histoire de la police, le commissaire général Charles Diaz (vice-président de la SFHP) nous propose dans cet ouvrage à l'esthétique très réussie de revivre les évènements de mai et juin 1968, pour une fois ... du côté des policiers. Du côté des CRS comme des agents de la préfecture de police chargés du maintien de l'ordre durant des journées et des nuits difficiles. S'appuyant sur de nombreux témoignages recueillis au cours d'entretiens, s'appuyant également sur d'importantes recherches documentaires et iconographiques, mais aussi audiovisuelles faites au sein des archives de la préfecture de police de Paris, l'ouvrage porte un regard différent sur mai 68 : un point de vue "de l'autre côté des barricades". 

    Qui étaient les policiers engagés face aux étudiants? Comment étaient-ils organisés, équipés? Qui les commandait? Quelles étaient leurs craintes, leurs attentes? Une abondante illustration, notamment des photographies prises par des opérateurs de la préfecture de police engagés aux côtés des services d'ordre, montrent la dureté des affrontements, la violence de part et d'autre, les dégâts causés, la situation dans Paris et dans d'autres villes du pays. Les notes internes montrent la gestion des policiers et des gendarmes mobilisés, leur difficile coordination, les questionnements des uns et des autres, leur sidération devant des actes de guérilla urbaine qui les prennent d'abord au dépourvu. Des blancs RG trahissent la perplexité des professionnels du renseignement tandis que la Police Judiciaire lance une "opération Gamma" (ça ne s'invente pas!) destinée à capturer l'étudiant Daniel Cohn-Bendit, Dany le Rouge, interdit de séjour sur le territoire français. En vain.

    Le livre, favorablement signalé par la critique du Canard Enchaîné, donne la parole aux policiers sans pour autant taire les exactions qui vont leur être reprochées. On y lit aussi bien les consignes très strictes du préfet de police Maurice Grimaud que les rapports des commissaires de la police municipale s'inquiétant de voir monter une "haine anti-flic" qui menace les policiers isolés dans Paris de même que leurs familles prises pour cibles en banlieue. Des angles tout à fait nouveaux, une autre approche sur des évènements déjà si souvent traités. 

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Souvenirs de police - La France des faits divers et du crime vue par des policiers (1800-1939)

par Bruno Fuligni, Paris, Robert Laffont, collection Bouquins, novembre 2016.

    Ils se nomment Marcel Guillaume, Pierre Canler, Gustave Macé ou encore Jules Belin. Inspecteurs ou commissaires, appartenant à la préfecture de police, appartenant à la préfecture de police parisienne ou à la Sûreté nationale, ils ont arrêté Ravachol, Landru ou Mata-Hari, démantelé la "bande à Bonnot" et leurs récits ont inspiré des personnages aussi mythiques que le Comte de Monte-Cristo, Arsène Lupin, Fantomas ou Maigret. Qu'il s'agisse de vol, de crime, de mœurs ou de pouvoir, les "policiers-écrivains" (avec Vidocq comme tête de file) nous ont laissé des textes passionnants. 

    Policiers enquêteurs, ils ont découvert des corps, traqué des assassins, livré des coupables à la justice de leur temps. Écrivains, ils ont consigné leurs investigations, leurs intuitions, leurs idées. Puis, à l'âge de la retraite, ils ont publié, raconté, revécu les moments forts d'une carrière non sans se donner le plaisir de régler au passage quelques comptes. En eux se révèlent des narrateurs efficaces qui ont le sens de l'image et du raccourci saisissant. 

    Maître de conférences à Sciences-Po, historien (mais aussi régent du collège de Pataphysique...), érudit comme il y en a peu et déjà auteur de nombreux ouvrages sur, entre autres domaines,  l'histoire politique et policière (dont La police des écrivains en 2006 et le "délicieux"  Petit dictionnaire des injures politiques (en 2011), Bruno Fuligni a rassemblé dans ce monumental opus de 1088 pages ces souvenirs de police. De l'ancien préfet de police craint au petit inspecteur des mœurs qui se sait l'objet du mépris public, le livre condense un siècle et demi d'affaires criminelles et politiques. Et offre une inépuisable source de témoignages sur une profession à toutes les époques et dans tous les genres. 

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