Article de Jean-Paul Faivre

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Pierre Perrier (au centre, en veste blanche) lors des obsèques du contrôleur Pierre Chanard (tué en opérations) à Hué en mars 1951



Pierre Perrier est né le 16 mai 1907 à Romagnat (Puy-de-Dôme), d'un père entrepreneur en maçonnerie et d'une mère au foyer. Titulaire du brevet élémentaire, il entame des études d'architecture, avant de satisfaire à ses obligations militaires en 1927-28, servant au Maroc comme sergent au Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc.

Il entre ensuite au commissariat de Clermont-Ferrand, où il exerce comme secrétaire de police à la sûreté de 1929 à 1935. Reçu au concours de commissaire de police en 1934, il devient chef du commissariat de Commentry (Allier) en 1935-36, avant d'être nommé à celui de Reims (Marne) en 1936-37. Il rejoint la Police Judiciaire, à la 6e brigade mobile de Clermont-Ferrand, en 1937, où il est promu commissaire principal en 1940.

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Affecté à la direction générale de la Sûreté Nationale, repliée à Vichy, en 1941, il s'engage dans la Résistance au sein du réseau Mithridate en janvier 1943. Recherché par les Allemands, il leur échappe de justesse et plonge dans la clandestinité en novembre 1943. Ayant rejoint un maquis dans la région d'Ambert (Puy-de-Dôme), il participe à de nombreuses actions de sabotages, notamment le déraillement de plusieurs trains, des parachutages, des transports d'armes et de blessés... ainsi qu'à l'identification et à l'arrestation d'agents infiltrés.

En juin 1944, il prend part à plusieurs combats aux abords de la ville de Thiers (Puy de Dôme). En juillet 1944, il tombe dans une embuscade, force le barrage mis en place et termine sa mission avec une voiture criblée de balles et son chauffeur sérieusement blessé. Assimilé au grade de capitaine des Forces Françaises de l'Intérieur, Pierre Perrier devient chef de la police de la zone 14 (région de Clermont-Ferrand) jusqu'en octobre 1944 et, cité à l'ordre de la brigade, il recevra la croix de guerre 1939-45 avec étoile de bronze et la croix du combattant volontaire de la Résistance. Il est ensuite affecté à la direction de la Sûreté Nationale à Paris.

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En janvier 1946, le commissaire divisionnaire Perrier est détaché auprès du ministre des colonies pour prendre la direction de la Sûreté Fédérale de l'Indochine. Il rejoint la colonie en avril 1946 avec son épouse et leur fille âgée de neuf ans. Son prédécesseur, à la tête de la Sûreté Fédérale, le chef d'escadrons Georges Buis le décrit comme Un haut-fonctionnaire de la police parisienne, un homme à qui je rends hommage, qui s'est révélé une conscience, une intelligence, un homme qui a marqué son long passage ».(1)

Pierre Messmer a brossé son portait sous le pseudonyme d'André Pereire dans son ouvrage « La patrouille perdue » : Pereire que je connaissais déjà et qui m'était sympathique par sa prestance, bel homme dans la quarantaine, yeux bleus, cheveux noirs taillés en brosse, simplement mais impeccablement habillé ».(2)

Nommé à titre exceptionnel, en mai 1948, chevalier de la Légion d'Honneur (3), il fera l'objet de deux citations à l'ordre de l'armée et d'une citation à l'ordre du corps d'armée et recevra la croix de guerre des TOE avec deux palmes et une étoile de vermeil (4).

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En 1953, l'Empereur du Vietnam le distinguera et il sera décoré de la croix de la vaillance vietnamienne avec une palme. Il sera également promu contrôleur général de la sûreté nationale en 1951. Malgré l'indépendance des États associés (Vietnam, Cambodge, Laos) et la disparition de la Sûreté Fédérale, Pierre Perrier continue de diriger le service de sécurité du Haut-Commissariat en Indochine.

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Pour le journaliste Lucien Bodard, qui le croise à cette période: Plus que jamais, il porte beau, héros encore jeune mais un peu vieilli, en tout cas fatigué. On dirait le shérif vétéran d'un western de la grande époque. Mais ce regard clair, cette voix mâle, cette désinvolture sont forcés (5) » et « Perrier, le policier de 40 ans qui porte si beau, le jeune premier tout juste un peu démodé, à l'Arsène Lupin, mais du côté de l'ordre et aux tropiques (…) Il lui faut aussi par son allure marquer à la fois la diligence, le zèle, l'attention et aussi un certain détachement, la tranquillité comme un désœuvrement ».(6)

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Cependant, en mai 1953, Pierre Perrier, malade et épuisé, quitte l'Indochine pour la métropole et bénéficie à compter du 1er octobre 1953 d'un congé administratif d'un an. Le contrôleur général du cadre local Jacques Debord, adjoint et intérimaire, devient, à ce moment, le directeur des services français de sécurité en Indochine, Pierre Perrier restant toutefois détaché auprès de la présidence du conseil (secrétariat d’État aux relations avec les États associés). Hospitalisé à l'hôpital militaire du Val de France, Pierre Perrier décède le 7 décembre 1956, à l'âge de 49 ans.


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1 – Georges Buis, Les fanfares perdues (entretiens avec Jean Lacouture),Seuil, 1975.

2 - Pierre Messmer, La patrouille perdue, Albin Michel, 2002.

3- Un de ses deux parrains, lors de la cérémonie de remise des insignes à Saïgon, est d'ailleurs Pierre Messmer.

4 - La Police d'Indochine sera citée quatre fois et son fanion sera décoré de la croix de guerre des TOE avec deux palmes et une étoile de vermeil, ainsi que de la croix de la vaillance vietnamienne avec une palme. Plusieurs services seront également cités : police municipale (urbaine) de Saigon-Cholon, à l'ordre du corps d'armée, sûreté fédérale de Cochinchine, également à l'ordre du corps d'armée, 5eme brigade mobile de sécurité, à l'ordre de la division, et commissariat des ports de Saigon-Cholon, à l'ordre de la brigade.

5 - Lucien Bodard, La guerre d'Indochine tome 3 : l'humiliation, Gallimard, 1965.

6 – Ibid.